Rencontre avec Fernando del Cerro, chef de la Casa de José, à Aranjuez au sud de Madrid

Rencontre avec Fernando del Cerro, chef de la Casa de José, à Aranjuez  au sud de Madrid

 

Alimentation saine, goût du terroir, préoccupations environnementales… Les raisons du retour en force des légumes ne manquent pas. Fernando del Cerro, un grand chef madrilène, en a même fait sa spécialité, il y a maintenant vingt ans.

 

 

Le légume est-il sous-valorisé dans la cuisine d’aujourd’hui ?
Le légume a toujours possédé une certaine force, il a bien sûr toujours été mis en valeur, mais comme second rôle. Aujourd’hui, et cela va s’accentuer dans un avenir très proche, sa place occupe de plus en plus le centre de la scène, par nécessité alimentaire ou environnementale, dans le cadre d'une vie plus saine.

 

Votre travail essaie donc de remettre l’accent sur ces légumes de saison…
Avant toute chose, le « légume de saison » est un concept qui a besoin d’être précisé. La saisonnalité des produits dépend du lieu d'origine des produits et non de l’endroit où ils sont transformés. Chez nous, on travaille effectivement à donner ce rôle de premier plan aux légumes, avec des produits très locaux et bien sûr de saison.

 

Cela vous permet-il d’apporter une certaine créativité aux traditions culinaires de votre région ?
Bien sûr, le travail des légumes suppose une immersion dans un monde très complexe, dans lequel de petites réalisations nous donnent de grandes satisfactions. Les légumes nous ouvrent davantage de voies et nous donnent cette liberté d’explorer le domaine de la cuisine. Nous nous plaçons hors du concept de « rénovation » des recettes traditionnelles. Nous prétendons seulement fournir de nouvelles idées pour la préparation des légumes, sans oublier la façon de faire, nous faisons souvent le contraire de ce que la tradition exige !

 

Comment achetez-vous vos légumes ?
Où et comment acheter, cela dépend exclusivement de la volonté du chef, selon le moment et l’intention. Les légumes peuvent provenir du marché traditionnel, de l'agriculteur directement, êtres fournis liquides, en purée, congelés, ou provenir d’une exploitation écologique... Ce qui est souhaitable, c’est que nous les utilisions intelligemment pour en tirer le meilleur en les choisissant et en exigeant la meilleure qualité. Chez nous, nous travaillons étroitement avec les agriculteurs, en nous approvisionnant directement chez eux, en plus de nos propres productions.

 

Vous êtes aussi ouvert aux découvertes de nouvelles préparations ?
Il y a un monde que nous commençons à découvrir, parmi les légumes, et qui nous offre d’infinies possibilités. Cette découverte de nouveaux usages est synonyme de nouvelles formes de présentation. Nous travaillons actuellement avec les purées de légumes surgelées Les vergers Boiron, une nouvelle méthode qui, nous le constatons, peut ouvrir plus de possibilités au moment de la création. Par exemple dans le menu du bistro, ce sont les préparations et les soupes que nous réalisons à partir de ces purées. De plus, en matière de stockage et de rentabilité, ces produits sont très intéressants.

 

Parlez-vous avec vos convives de votre approche du légume ?
Bien sûr, il faut d’ailleurs commencer par là. Ce que nous expliquons, c’est que nous offrons une cuisine vraiment locale. Que par chance, dans notre village, l’agriculture fait partie de nos racines socio-économiques et culturelles. Nous sommes situés dans ce qui était le premier potager de la Renaissance, au XVIème siècle en Europe. Nous montrons qu’il est possible de faire de la haute gastronomie avec des légumes, et qu’il serait nécessaire que nous leur donnions une plus grande valeur, loin des modes et des mouvements éphémères.

 

Dans vos menus de dégustation, vous vous amusez parfois à faire goûter le même légume sous différentes formes de cuisson ou en les relevant de différents condiments...
Les pistes que nous ouvrent ces produits sont si nombreuses, qu’effectivement pour certains légumes, nous avons décidé de les proposer sous différentes formes de préparations. Parfois on ne sait pas si les asperges vertes d’Aranjuez sont meilleures crues ou frites. Or, au début du printemps, quand l'asperge est à la fois douce en saveur et forte en consistance, il serait dommage de se priver d’une seule des possibilités de la cuisiner. C’est le cas avec de plus en plus de légumes à toutes les saisons : la courgette, que nous préparons à partir de différentes fermentations, mais aussi la tomate, les choux d’automne… Le client, lui, a dans un même menu une perspective très large d’un modeste légume.

 

Quels sont les légumes que vous travaillez beaucoup cet automne par exemple ?
Les agriculteurs disent toujours que notre climat, avec ses gelées nocturnes en hiver et ses chaleurs estivales, est le pire pour produire des légumes. En réalité nous avons de la chance d'être là. Notre climat nous permet d’avoir une grande variété de légumes en petites quantités. Cet automne, nous continuerons à planter de nouvelles variétés, des légumes asiatiques (chou chinois, pack choï, brocoli japonais) et un large éventail de radis, navets, carottes, que traditionnellement nous ne cultivions pas.

 

Quelles sont vos techniques pour les travailler ?
Chaque légume a sa technique de découpe, sa personnalité, mais aussi sa manière d’être mastiqué et digéré. Sa transformation dépend seulement de la forme que nous estimons être la meilleure pour sa dégustation. Je pense par exemple que les choux (chou-fleur, brocoli, chou romanescu…) lorsqu’ils sont crus, atteignent leur potentiel maximum en leur ajoutant une marinade épicée subtile comme un ceviche.

 

Aranjuez est aussi connu pour certains fruits comme les fraises…
Notre fraise est effectivement considérée comme un joyau, même si nous ne pouvons les apprécier que 25 jours par an. Comme avec les légumes, nous essayons de trouver la meilleure forme pour déguster les fruits, que ce soit en mousses, en crèmes… en leur appliquant souvent des traitements thermiques pour les renforcer.

 

Si las quieres las comes.

CASA JOSÉ